RÉFLEXION: POUVAIT-ON ÉDITER CE RÉCIT ?



Ce presque roman est en fait un récit autobiographique écrit à la manière d'un historien (ce que je suis de formation), récit qui colle aux sources, au mot-à-mot de ce que j'ai noté pendant de nombreuses années de thérapie et de recherche sur soi, et qui avance pas à pas, prudemment, systématiquement, dans la reconstitution d'une histoire, L'histoire de la honte, la mienne et celle de bien des personnes qui ont eu une trajectoire de vie semblable à celle que je raconte ici. 

C'était nécessaire qu'un jour, j'écrive mon histoire, marquée lourdement par de multiples agressions sexuelles subies durant ma toute petite enfance, façonnée par le système familial et social qui s'organise autour de ça — l'aveuglement, le silence, le mépris, la mise en quarantaine de la victime qui se découvre extrêmement seule, au point d'imaginer, petit garçon, qu'il ne vaudra jamais la peine de qui ou de quoi que ce soit et qu'il ne lui reste qu'un seul destin possible, tenter tant bien que mal de survivre et de s'adapter.

J'ai toujours su, devenu adulte et terriblement perturbé, que tout cela avait des racines enfouies et un sens, qu'il y avait une archéologie à cette histoire. C'est, je pense, ce qui m'a sauvé, avant même le travail d'analyse: cette conviction, c'était ce qui me restait de raison, essentielle, et quand même suffisamment solide pour résister, et me battre trente ans durant. 

J'ai suggéré cette Histoire de la honte à plusieurs éditeurs. Aucun n'a souhaité la publier, parfois en me fournissant une réponse détaillée, voire même étoffée. Mais très probablement ce refus constant de publier tient-il dans la réponse qu'un tout premier éditeur m'a fait parvenir une trentaine de minutes après que je lui ai envoyé par courriel une copie numérique de mon essai : « Votre texte ne nous aurait intéressés que s'il avait été écrit par une personnalité publique connue. » L'éditeur en question n'avait pas même pris la peine de lire une ou deux des toutes premières pages du manuscrit ! Certaines réponses étaient élogieuses, mais toujours concluant par les mêmes mots, la même idée : « nous ne publions pas, parce que nous n'en vendrions pas. » Au fond, mon ami Michel Dorais, spécialiste émérite des problématiques sexuelles, auteur d'un très beau Ça arrive aussi aux garçons , avait-il parfaitement raison quand il m'avait dit qu'il n'y avait au Québec qu'une poignée de personnes pouvant publier une histoire aussi intime : « on les compte sur les doigts d'une seule main » et « tu n'es pas Janette Bertrand ou Céline Dion. »

Voilà pourquoi je me suis résolu à diffuser mon histoire sur Internet, en utilisant l'outil qu'est le blogue. L'important, pour moi, ce n'est pas le fric (les droits d'auteur !), mais plutôt que j'aie quelques lecteurs, vengeance essentielle contre la vie injuste qui fut la mienne - et celle, singulièrement, de mon père.

Mon texte, je le pense toujours, est un beau texte, et certaines pages sont de belles pages.

Mots-clés: Victime d'agression sexuelle 

Suite: https://histoiredelahonte.blogspot.com/2024/07/addenda-1-alteration-de-lidentite.html


Commentaires

  1. Ce n'était pas facile d’écrire cette histoire. Vous l’avez fait, vous avez réussi brillamment ! Félicitations pour ce récit de vie et l’effort qu’il a représenté. Un travail dur et courageux. J’espère pour vous la paix.

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