SOURCES ET FIABILITÉ DU RÉCIT


J’ai fait grande attention, tout au long de l’écriture de ce livre, de ne jamais abuser de celles et de ceux qui me liront, et qui doivent pouvoir me croire : c’est là l’angoisse essentielle que je ressens au moment de publier mon histoire. J’imagine que c’est toujours stressant de savoir qu’on sera lu, au moins un peu; ça l’est bien davantage quand on a tout dit d’une histoire de sexe, de violence, de honte et de multiples bizarreries qui pourraient, de prime abord, faire pitié, alors qu’on a tant besoin de solidarité. 


Ce que j’ai raconté dans ce livre est vrai. D’où la question essentielle concernant la méthode que j’ai suivie, d’où la question de la qualité et de l’exactitude des sources que j’ai utilisées. 



J’ai fait de la critique de sources, comme on apprend à en faire en histoire, quoique je ne disposais pas de la multiplicité de sources que les historiens exploitent maintenant. J’ai tout lu de mes notes, retenu des extraits sans les triturer, sans les modifier, tout en étant conscient que les citations que je reprenais provenaient de mes annotations personnelles, que je ne pouvais les comparer avec aucune autre source indépendante, et qu’il y avait donc une possibilité d’erreurs, minimes mais réelles. Mais le fait est que j’avais consigné, après chaque séance de psychanalyse, l’essentiel de ce qui s’y était dit, en essayant de noter le mot à mot de qu’avait proposé François Péraldi pour construire le récit crédible d’une vie et lui donner son sens originel. Je n’ai rien écarté qui pouvait m’embêter ou nuire à ma « réputation »; je n’ai rien caché de ce que j’aie pu avoir, plus d’une fois, de fâcheux. 


Je n’ai jamais voulu écrire ce récit éminemment personnel comme un règlement de compte manichéen, superficiel, qui serait de la mauvaise histoire, et qui me situerait, moi seul, dans le camp du bien. Ce n’est jamais aussi simple. J’ai tenté d’écrire le récit d’une structure, familiale, générationnelle, économique et sociale, comme on le fait en histoire globale. Certes une autobiographie s’écrit pas à pas, minutieusement, curieuse insatiable de détails, mais n’isole jamais qui que ce soit de la société réelle, telle qu’elle fut ou telle qu’elle ne cesse d’être encore. La vérité est complexe. Pour l’atteindre, il faut suivre les règles, et c’est d’abord, dans un récit autobiographique comme dans une analyse, l’histoire à la fois la plus précise et la plus globale possible qui puisse y arriver.


Il y a évidemment une colère qui traverse tout mon récit, mais pour trouver la justice sans revanche. Ce combat, j’ai essayé de le mener en toute équité pour les autres et pour moi. La rigueur n’exclut pas l’indignation, à la condition qu’il n’y ait jamais de dérive méthodologique. Une dérive, c’est juger, c’est condamner, c’est tout organiser en termes de bien et de mal, et c’est surtout frauder. Il me semble que j’ai évité de faire dire aux sources, mes sources, ce qu’elles ne disent pas. L’historiographie explique comment on écrit l’histoire, situe l’histoire dans une suite ; dans le cas particulier de ce que raconte ce livre, il n’y avait cependant guère d’historiographie qui m’aurait enseigné une meilleure méthode à suivre.


L’histoire ne fait pas de morale, ne donne pas de leçon. Pas davantage la psychanalyse. Mais menées avec rigueur, avec l’envie de savoir et la passion de connaître la vérité, l’histoire comme la psychanalyse sont, toutes deux, des instruments fondamentaux de liberté.

Mots-clés: Victime d'agression sexuelle 

Source de l'image: https://www.lhistoire.fr/webdossier/écrire-lhistoire-les-archives

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Commentaires

  1. Ça donne envie de lire ton récit, Richard, même en sachant que c'est une histoire vraie, faites de souffrance, tristesse et d'angoisse.

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    1. De Richard: Si vous lisez toute l'histoire, j'espère que vous me laisserez à nouveau un commentaire. Merci !

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    2. Ce livre est à la fois un témoignage et une déposition de RP à propos d’un drame enfoui qui a engendré la honte, la peur, voire la terreur, qui a d’abord hypothéqué une enfance puis une vie. Il a fallu des années d’archéologie de l’âme pour replacer les fragments de mémoire et pour les ramener à la conscience. La force du livre est de démonter la lourde mécanique du silence, le poids des rejets sociaux qui conduisent à l’aliénation du corps et ultimement à la difficulté de vivre. C’est aussi, au sortir du labyrinthe, comprendre que les sociétés et les peuples passent des histoires individuelles et singulières aux peurs et aux ornières de l’inconscient collectif. L’histoire de Richard touche à une dimension universelle de ce que l’on peut appeler le mystère d’exister. GG

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  2. De Richard: Merci pour ce commentaire particulièrement pertinent - et peut-être trop élogieux, encore qu'il me touche beaucoup. Merci !

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  3. Récit puissant servi par une écriture vigoureuse. Votre récit de vie m’a saisie. Merci, monsieur.

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    1. De Richard: Merci ! Commentaire d'autant plus apprécié que ce blogue n'a encore que peu de visiteurs.

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